Marie lors de son dernier séjour en août avait voulu voir la « pierre au Diable », un mégalithe trapu qui se trouve dans les champs entre Bouillon et Saint-Michel-des-loups. La légende raconte qu’il y a bien longtemps, le diable qui construisait un pont sur la Sélune (à Pontaubault) allait chaque jour chercher ses pierres à Chausey. Un jour sur le chemin du retour, chargé d’un énorme bloc, comme il enjambait la mer et prenait pied sur le Pignon Butor à Carolles, il vit un prêtre faisant le signe de Croix. Effrayé, il laissa alors tomber son fardeau qui se planta dans la terre près du hameau de Vaumoisson (pour preuve de l’histoire, on peut toujours voir la marque de ses griffes sur le granit). Vaumoisson, c’est juste trois maisons à l’aplomb d’un ruisseau. Dans le contrebas un sentier s’enfonce dans les bois. Je m’étais promis de revenir. Nous y avons fait, Amélie et moi, une balade étonnante, tant le paysage est différent de tout ce que je connais par ici. On dirait que le chemin s’enfonce dans la terre. Ormes, chênes, chataîgniers, peupliers, ifs et sapins forment un hétéroclite couvert. Dans les trouées des taillis et des cépées, on aperçoit des pâtures curieusement pentues avec des moutons, des chèvres. Plus loin, dans un creux, une mare toute verte de lentilles d’eau. Des rochers moussus. ll ne manquait plus au décor, au détour du chemin, que des ruines envahies par la végétation, comme celles de l’abbaye d’Eldena peinte par Caspar David Friedrich. Nous avons émergé de la promenade à Saint-Michel-des-loups comme on s’arrache d’un rêve. Hâté le pas pour rentrer. La nuit tombe vite à présent.