Journée à Oxford. La ville se trouve à peine à trente kilometres d’Ewelme. Je voulais montrer Christ Church aux trois filles. Leur faire une petite visite guidée Lewis Carroll et Alice. Mais il y avait un monde hallucinant partout. Les rues étaient envahies de groupes de touristes cavalant derrière leurs accompagnateurs. Ca hurlait, ça se chahutait, ça se poussait. Nous avons fait le tour du collège à la queue leu-leu derrière des Japonais, des Chinois, des Américains et des Qui-on-veut qui se prenaient en photo tous les trois pas. Là ou ailleurs. Pourquoi viennent-ils ici ? J’ai essayé quand même de raconter qu’on appelait Oxford la ville aux clochers rêveurs. Que des fenêtres de la bibliothèque un jour de 1855, un jeune professeur de mathématiques de vingt-trois ans regardait distraitement la cour et le jardin clos de murs où jouaient les enfants du doyen Liddell : Harry, Lorina, Edith et surtout Alice qui avait alors à peine quatre ans. Et qu’il n’aurait jamais pu imaginer à quel point la rencontre avec cette gamine brune au carré sage allait bouleverser son existence. J’ai parlé des parties de cache-cache sur les toits-terrasse derrière les hautes cheminées. A chaque fois que j’ai pu, j’ai essayé d’expliquer comment le Pays des merveilles d’Alice tient presque en entier entre les murs de ce collège. J’ai montré la petite porte ouvrant sur le grand jardin des aventures, le chataîgnier où se tient perché le chat du Cheshire. Le grand hall était fermé, pas moyen de voir les curieux chenêts de cuivre, figurant des personnages au cou démesurément long, comme celui d'Alice lorsqu’elle grandit de manière si folle que sa tête passe au-dessus des arbres. Nous avons dû fuir la foule. Nous nous sommes réfugiés dans Alice’s shop, la minuscule boutique où la petite égérie de Lewis Carroll achetait ses sucres d’orge et qui lui est maintenant entièrement dédiée. Cartes postales, livres, souvenirs. J’ai acheté une quantité de bricoles. Nous avons déjeuné dans un restaurant indien de High street. Pris un black cab pour aller jusqu’au muséum d’histoire naturelle. Alice Liddell avait huit ans quand il a ouvert ses portes la première fois. J’ai fait une tentative là-bas pour parler du dodo, ce curieux oiseau, disparu depuis le XVIIème siècle, que, dans le livre, Alice rencontre à la sortie de la mare de larmes (le musée possède outre la fameuse peinture de Savery représentant l’animal, un crâne momifié et un « moulage »). Mais tout le monde était fatigué. Retour à Fyfield manor avant le dîner. Notre logeuse nous avait indiqué un restaurant sur les bords de la Tamise. Il y avait des pêcheurs, une barque. J’ai repensé à Jerome K. Jerome ramant dans le soir tombant entre Benson et Wallingford. J’étais en canot avec une jeune demoiselle – ma cousine du côté maternel – et nous descendions vers Goring. Il se faisait tard… Allons, je ne vais quand même pas recopier tout Trois hommes dans un bateau.