Amélie est partie tôt au marché de Jullouville. J’ai fini les toutes dernières planches de L’herbier. Restera le coffrage que je demanderai à Emmanuel de réaliser. Jean-Pascal a déjeuné à la maison. Il est seul aujourd’hui à Carolles. Martine et Agathe le rejoignent demain. Ce week-end, il accueille à Coquelonde Denis Grozdanovitch que nous avons invité pour les Rencontres littéraires. Ils se connaissent bien tous les deux. Malgré la différence d’âge (Jean-Pascal est presque dix ans plus jeune), ils ont de nombreux souvenirs de vacances, ensemble, dans la région. Le bord de mer, les balades, le tennis de Jullouville. Grozdanovitch a d’ailleurs longtemps gagné sa vie grâce au tennis. Champion de France à plusieurs reprises, il a donné des cours à des élèves plutôt triés sur le volet. Et cela semble-t-il lui a suffi. L’amateurisme (dans le sens de ne jamais faire profession de…) et la paresse contemplative sont chez lui comme un art de vivre. Il n’a publié son premier livre que passé la cinquantaine (Un Petit traité de la désinvolture chez Corti en 2002). Mais sa vocation d’écrivain remonte à l’adolescence. Dès l’âge de quinze ans il a tenu, sans interruption, les carnets de ses événements quotidiens, de ses impressions, de ses rencontres. C’est dans cette manne qu’il puise ses textes : essais, nouvelles, romans. Allers-retours de souvenirs partagés, digressions érudites. Il est un moraliste qui n’a de désinvolte que l’apparence. Amélie avait une réunion du conseil municipal. Je l’ai retrouvée après pour l’inauguration de l’auberge. Une « avant-première » réservée aux élus et à leurs conjoints. J’étais curieux et assez impatient de voir les travaux et de goûter à la cuisine. Pas grand chose à en dire en fait. Les décorations criardes ont disparu. L’ensemble est du coup plus sobre, mais les lieux ne semblent pas encore investis. Et puis il reste quelques vestiges incongrus de l’ancien aménagement : un vieux canapé avachi, un envahissant buffet-desserte victorien de chez Ikéa & Cie. Mais avec du goût, l’envie de chiner peut-être, tout cela peut devenir vraiment beau. Quant à la cuisine, j’en attendais tellement, que je suis resté un peu sur ma faim. Pourtant le repas était bon, les cuissons (poisson et viande) parfaites, mais l’énoncé du menu (Entrées : Bouillon de potiron, wasabi et curry, huîtres pochées ou Crème de haricot blanc à la tomate confite, croustillant de chorizo ; Plats : Pavé de poisson blanc en croûte de chataigne, jus crémeux aux champignons, céleri braisé ou pavé de veau estragon gingembre, flan de panais, chips de legumes…) laissait espérer bien davantage. Là aussi, j’imagine qu’il faut encore de l’acclimatation. Sois patient, m’a dit Amélie. Elle a raison. Ce qui est déjà très bien ne peut que devenir meilleur. Reste l’accueil, charmant, de Laurent Beltoise et de son épouse Malsook. Leur fils Alexis, huit ans, a passé une tête dans la salle pendant le service. On le sentait fier et content.