J’avais craint qu’il n’y ait pas grand monde. Que nous ne soyions que quelques uns. Mais beaucoup de gens du village se sont déplacés pour l’enterrement de Georgette. La cérémomie a été belle. Très digne. Sobre. Emouvante et retenue. Rien que le cœur qui serre. Un peu. Un peu plus. Lucile n’a pas pu aller au bout du petit texte qu’elle avait écrit afin de dire simplement merci pour ses années d’enfance. Pour celles de ses cousins et cousines. Fanny en a achevé la lecture. J’ai senti ma voix se casser lorsque j’ai cité sainte Thérèse : Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. Je pensais aux rosiers anglais que je devrais recevoir ces jours-ci. J’avais passé en août une commande chez David Austin. Une quinzaine d’abustes. Un dimanche, j’en avais apporté le catalogue à Georgette. Je lui montrais les photos des variétes que j’avais choisies : Boscobel, Eglantyne, Gentle Hermione, Cottage Rose, England's Rose, Mary Rose, Princess Alexandra Of Kent, St Swithun, William Morris, Huntington Rose, Strawberry Hill, The Alnwick Rose, Maid Marion, Scepterd Isle, The Wedgwood Rose. Plus deux grimpants pour l’arrière de la maison : A Shropshire Lad et The Generous Gardener. Nous parlions plantation et taille. Puis elle m’a demandé : Tu as payé combien pour tout cela ? Parce que je veux te les offrir. Quand je ne serai plus là, tu regarderas les fleurs. Et tu penseras à moi. N’est-ce pas ? Pluie de roses. René aussi a voulu dire un mot. Il n’est pas parvenu à retenir ses sanglots. Encens, aspersion finale. Sur le seuil de sa maison, notre Père t'attend… J’ai été embrasser Etienne à la sortie de l’église. C’est tellement gentil d’être venu. Suivi le corbillard à pied jusqu’au cimetière. Ciel gris aux nuages tendus, sans pluie. Nous nous sommes retrouvés une bonne vingtaine à l’auberge autour d’un verre. Il y avait Monique, Jean-Marie, Jean-Pascal et Agathe, Noëlle et puis des gens dont je n’arrivais plus, dans l’émotion, à me souvenir des noms. Avec chacun ses souvenirs d’elle. Déjeuner « en famille » ensuite ( plus Agathe qui avait bien voulu rester avec nous afin que nous ne trouvions pas treize à table…). J’étais assis à côté de René. Il aura quatre-vingt-quatre ans fin décembre mon vieux parrain. L’avant-dernier des enfants d’Angèle et de Joseph. Il ne reste plus que lui et Georges, si fatiqué maintenant. Toutes ses années…, a-t-il juste dit. Et il s'est resservi un verre de vin, lui qui ne boit jamais. Demain, il rentre tôt à Uzès. Tu téléphoneras pour dire que tu es bien arrivé ?