Au bas de l’escalier, une tête de gavial enveloppée dans du papier bulle. Et, à l’étage, une hallucinante ménagerie : des flamands roses, des singes, des zèbres, des autruches, des crocodiles. Un tigre, un ours, un lion, un grand boa rampant au sol. Des quantités de trophées des cerfs, de renards. Des poissons de toutes tailles, des coraux, des oiseaux multicolores, des papillons, des coléoptères. Puis des chiens, des chats, des écureuils, des rats. Partout des vitrines, des bocaux, des squelettes. Vous avez fait bon voyage ? , nous a demandé Alexis Turner. Je vais préparer le café. Nous avions pris l’Eurostar tôt. Arrivés à Saint-Pancras à 9h00, heure de Londres. Long trajet en taxi : les « bureaux » de London Taxidermy où il a entassé tout ce bric-à-brac se trouvent à Wandsworth, à l’autre bout de la ville. Taxidermy, c’est le titre du livre qu’Alexis Turner a publié au début de l’année chez Thames & Hudson et dont la traduction française (Taxidermie…) vient de sortir chez Gallimard. Il fait commerce d’animaux empaillés et d’objets d’histoire naturelle depuis une vingtaine d’années, mais s’occupe surtout aujourd’hui de les louer. Pour des films, des publicités, des vitrines de grands magasins. J’avais proposé son portrait dans Next à Françoise-Marie qui avait tout de suite accepté. Restait à s’organiser. L’exercice de ce matin m’était assez tranquille. Amélie faisait la traduction de mes questions. It’s more confortable, ai-je dit à Alexis. Pour moi en tout cas, car mon anglais butte sans arrêt d’un mot sur l’autre. L’enfance, la « vocation », le livre : nous avons échangé presque deux heures. J’espère que la papier sera à la hauteur. Nous étions contents d’être à Londres. Grand soleil. Nous nous sommes baladés au hasard. Un tour à Hyde Park. On s’est perdus un peu dans les rues de Marylebone. Quelques verres dans les pubs. Nous avons récupéré la valise à la gare et nous sommes allés chez Séverine et Gérald à Hammersmith. Ils nous avaient déjà accueilli dans leur maison de Dewhurst road, un peu avant Noël l’an dernier. Arnaud, Thomas et Agathe nous attendaient. J’ai trouvé qu’Arnaud était vraiment un courageux bonhomme. Comme si de rien n’était, il joue, il rit. Raconte des devinettes. Depuis son accident de cet été, il ne voit toujours rien de l'œil droit. Demain, il doit aller à l’hôpital pour qu’on lui enlève les points de suture. Anesthésie générale. Thomas m’a montré les bestioles ramassées au jardin qu’il conserve dans une boîte. Perce-oreilles, petits escargots. Il y avait deux cocons desséchés aussi. Tu penses qu’ils vont éclore ? – Ca me semble assez mal parti, tu sais…