Jean-Marc est mort aujourd’hui. Il avait sombré dans le coma samedi, le jour où je lui avais envoyé en message deux vers de Jean Cayrol. J’ai relu à haute voix tout le poème. J’avance à pas d’herbe,/ dans ce hautain remuement des rêves,/dans ce sous-bois orange et noir/ où se lève/ un vent géant plus faible/ que ce faux soir/ dans la grande pause du Verbe.// J’avance à pas de pluie/ vers la froide remise/ où les sept voitures furent surprises,/ les roues brisées/ et leur cocher séduit.// J’avance à pas de poutre, de plafond,/ sans connaître le retour/ sur les rives où se défont/ les huttes frêles du jour.// J’avance/ et le désastre attend/ comme un camp retranché. Avant qu’il me publie La fausse porte chez Stock en 2011, nous nous étions rejoints autour de Jean Cayrol justement. Il lui avait gardé la reconnaissance profonde d’avoir édité en 1972, au Seuil, son premier roman, Samedi, dimanche et fêtes. Bien des écrivains « connus » d’aujourd’hui doivent leur notoriété au travail de défricheur patient et attentif de Cayrol. La plupart ont oublié. Jamais Jean-Marc. Il m’avait donné un coup de pouce au moment où je préparais, chez Points, Chacun vient avec son silence, mon anthologie poétique de Jean Cayrol. Certains là-bas se demandaient s’il était bien utile que je mène au bout ce projet qu’ils trouvaient peu rentable. J’avais su, bien plus tard, que Jean-Marc, à qui j’avais confié mes soucis, avait décroché son téléphone et « insisté » pour que cela se fasse. Si vous ne publiez pas ces textes, c’est moi qui les publierai. Je lui dois toujours un roman qu’il ne lira plus. En novembre, il m’avait écrit : Les écrivains que j’aime sont soit en avance, soit en retard. Je me méfie terriblement, crois-moi, des auteurs à l’heure. Parions que ton plus beau livre est devant toi. J’ai vu Dephine dans un café de la place de l’Ecole militaire. Cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas vus. Nous avons recousu ensemble les nouvelles. Parlé de ceux qu’on aime. Effleuré des projets. En rentrant, je me suis arrêté chez Deyrolles, acheter une paire d’yeux en verre pour le diodon du couloir à Carolles. Essayé de lire. Je suis allé chercher Amélie à la fermeture du Salon.