J’ai reçu ce matin les épreuves de Légèrement seul, le récit de Daniel de Roulet sur les six cents et quelques kilomètres à pied qu’il a effectués de Saint-Malo à Soissons au printemps dernier. Un itinéraire un peu « prétexte » sur les traces de moines de la fin du VIe siècle. Il s’agissait de suivre le chemin parcouru par saint Colomban, saint Gall et leurs compagnons d’Irlande jusqu’en Suisse. Partis de Bangor à côté de Belfast, écrit-il, ils ont débarqué en Bretagne, sont passés par Rouen, Soissons, Luxeuil. Parmi eux, Gall a fondé l’abbaye qui porte son nom dans un pays qui ne s’appelait pas encore la Suisse. C’était en l’an 612. Par devoir de mémoire ou goût de l’aventure, quelques amis et moi avons organisé un relais. Les premiers sont partis d’Irlande le mois dernier, je les retrouverai à Saint-Malo. D’autres continueront après moi, de Soissons à Luxeuil, d’autres encore jusqu’à Saint-Gall, pour le mille quatre centième anniversaire. J’attendais ce livre avec beaucoup d’impatience. Nous avions longuement parlé de son projet au Salon du livre de l’an dernier. Daniel nous a fait signe deux mois après, à Avranches, sa première étape. Il logeait à l'hôtel de la Croix d'or. Nous nous étions retrouvés ce soir-là pour dîner à la brasserie Littré. Il nous avait raconté son début de périple en baie du Mont-saint-Michel. Paysages et rencontres. Je lui avais confié à nouveau mon désir de voyager comme lui, un jour, en prenant la mesure du temps. J’ai pourtant toujours été un tantinet traîne-savate. La perspective d’une promenade du dimanche en forêt ou sur les chemins de campagne, ne m’a jamais enthousiasmé. Très peu pour moi des randonnées digestives. Sans parler (mauvais souvenir) des colonies de vacances où l’on s’égosille à chanter que les kilomètres à pied usent les souliers. Non, ce dont je rêvais enfant, c’était de partir. Choisir une destination lointaine et y arriver par moi-même. Par mes propres moyens. Je ne l’ai jamais fait. Dans les premières pages de son livre, Daniel fait un sort à notre rencontre et notre conversation. Lui (il parle de moi...), ne manque pas de me dire qu’il m’envie de pouvoir marcher ainsi, c’est une constante chez les gens que je croise : tous ont la nostalgie d’un grand projet, un peu au-dessus de leurs forces. Tous ont une raison pour ne pas l’entreprendre.