J’ai promis aux étudiants de leur faire un dossier de presse sur l’affaire Bernard Mazières, ce journaliste d’une soixantaine d’années retrouvé, autour de Noël dernier, le crâne fracassé à coups de marteau et poignardé au cou, dans son appartement de la rue Bonaparte. Très vite, les enquêteurs s’étaient aperçus que son fils de 17 ans avait commandité le meurtre. Nous avons confronté nos souvenirs de cette sale histoire. Quels sont les détails que nous retenons ? Pourquoi ? Comment racontons-nous les faits ? J’ai terminé le cours un peu en avance. J’avais rendez-vous chez Stock pour la réunion des représentants. Arrivé juste à l’heure. J’ai parlé de mon livre avec le plus de conviction et de simplicité possibles. Pour qu’ils aient envie de le regarder. D’en parler aux libraires. Je n’avais rien préparé. J’ai essayé d’insister sur cette phrase du début du texte Il n’y a pas d’âge pour avoir des souvenirs, en expliquant que, justement, des souvenirs de cette période, je n’en avais pas vraiment. Je n’ai gardé que des impressions qu’il m’a fallu remodeler et des noms que j’ai utilisés le plus possible aux « bons » endroits, aux « bons » moments. Je les ai senti attentifs. On verra. J’ai écouté Didier Decoin et Nina Bouraoui présenter leurs romans. Nous nous sommes tous retrouvés pour déjeuner sur la terrasse de l’immeuble. Il faisait frais, mais grand soleil. Nous avons bavardé. J’ai appris que Thierry, un des représentants avait passé une année, à l’adolescence, au collège Saint-Vincent. Nous nous y sommes croisés, mais pas connus. Robert, un autre, se souvenait bien de Mme Fiévet, la libraire de Senlis, à qui je dois, sans doute, une grande part de ma vocation d’écriture. Et puis, j’étais assis à table à côté de la représentante qui s’occupait de la Belgique et, tout naturellement, j’en suis vite venu à lui parler de Bruxelles, et de Liège où s’étaient rencontrés mon arrière-grand-père et mon arrière-grand-mère, et de Mouscron, et de tout mon petit folklore belge. Au fil de la conversation, je me suis aperçu qu’elle était la sœur d’Astrid, mon amie des éditions Racine. Voilà. J’ai vu, dans ce tissu d’un rien de coïncidences croisées, comme un bon présage. Amélie avait pu quitter son travail plus tôt. Nous nous sommes retrouvés gare Montparnasse. Arrivés à la maison juste avant la nuit.