Nous qui avions prévu de rentrer vite à Paris, nous avons étiré la journée plus loin qu’on l’aurait cru. Marché à Amboise, d’abord, sur le bord de la Loire. Les pêches de vigne, les fromages de chèvre, les rillons, les rillettes. Le panier acheté pour l’occasion débordait. Je n’étais pas venu ici depuis si longtemps. J’allais souvent à ce marché le dimanche avec Christian, le parrain de Marie. Il avait acheté une minuscule maison à la Croix-en-Touraine au début des années 1980. J’avais découvert la région à la fin de mon adolescence grâce au père de Pierre qui y achetait du vin. Vouvray, bourgueil, chinon. Nous avions fait tout un périple. Une longue route en détours. Je me rappelle avoir été saisi par la douceur changeante des paysages. Tant de quiétude qui m’enveloppait d’un coup. Ca m'est resté. Quand j’ai lu, plus tard, Le lys dans la vallée (Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine…) j’ai repensé à ce premier voyage. J’avais eu avant même de partir l’envie d’y revenir. Et j’y suis revenu, dans des hasards, des rencontres. Mais cette maison de Christian a été pour moi un havre. Christian est mort en 1990. Tout a été vendu. Nous y sommes passés. J'ai retrouvé le chemin. Les nouveaux propriétaires ont arraché la vigne et les pivoines. Recouvert le jardin de gravier. Il n’y a rien à en dire. Le petit village a changé. En bien... Aménagements dicrets. Les maisons refaites en tuffeau. De sobres lanternes au coin des rues. Comme quoi (je repensais à Carolles), le laid et le banal ne sont pas inéluctables. Au parc de la mairie se tenait une fête champêtre. Nous y avons acheté du vin. Le même que je buvais alors… Comme à chaque fois, Amélie me rend le passé sans nostalgie, ni peine, comme essuyé. Doucement. Elle m’a invité à déjeuner à l’auberge du coin. Coq au vin et gamay de Touraine. Nous sommes revenus par Chaumont et le Festival des jardins. Oubliée l’averse de fin de matinée. Le ciel avait viré grand bleu. Un détour par Chambord, vu de loin. Nous avons rendu sa voiture à Noëlle. Son nouvel appartement, près de la mairie du XVe, est douillet. Il lui ressemble. Tableaux de Jacques Simon aux murs, les livres entassés, le panier à tricot. Ici, je me sens bien. Maintenant...