J’étais à Paris à midi. Déposé mes affaires rue Danville. Pris le courrier qui commence à arriver à la nouvelle adresse. Avalé une tartine en vitesse chez Péret. J’étais attendu, avec les autres membres du jury, pour les délibérations du prix Marcel Pagnol, du côté de l’avenue Foch, dans l’hôtel particulier où Pagnol, justement, avait habité de 1956 à sa mort en 1974, et où vit toujours son épouse Jacqueline. J’étais très ému de me retrouver là. Je savais que c’était justement dans cette maison qu’il avait écrit ses Souvenirs d’enfance. Des textes qui me restent toujours si importants. Que je relis souvent. Grande demeure bourgeoise. Hauts plafonds, tapisseries d’Aubusson, colonnes corinthiennes. Le tout usé de temps récent. Un rien en parenthèses. Nicolas son petit-fils, m’a montré son bureau… Lorsque j’avais douze ans, je lui avais écrit. Cher Marcel Pagnol… Je ne sais plus très bien ce qu’il y avait dans la lettre. C’était, comme j’avais pu, toute mon admiration, toute mon émotion, l’envie d’être écrivain à cause de ses livres. Jamais eu de réponse. Mon pauvre mot avait dû, par ici, finir à la corbeille. J’avais rendez-vous avec Delphine au J’Go. Elle se fait opérer dans quelques semaines d’un on ne sait pas encore, à l’hôpital Tenon. Je dois lui écrire vite que je n’ai pas su lui dire combien je pense à elle… Amélie nous a rejoint. Nous sommes allés récupérer ce qui restait dans l’appartement de la rue Fondary. Quelques bibelots fragiles que nous n’avions pas voulu confier aux cartons des déménageurs. Je suis resté un instant seul dans le deux-pièces vide. Et j’ai dit à haute voix sans peur du ridicule (mais il n’y avait personne…), m’adressant au lutin invisible, caché, qui vivait avec nous : Viens avec moi. N’aie pas peur. Nous avons maintenant une nouvelle maison.