J’ai passé la journée au Havre avec les élèves de quatrième du collège Eugène Varlin. Les quatrains, dit David, leur professeur de français… Cette journée, je ne suis pas près de l’oublier. Elle m’a étrangement chaviré. A partir des photos que je leur avait fait parvenir il y a quelques semaines ou de clichés personnels qu’ils s’étaient choisis, ils avaient écrits chacun un ou plusieurs textes. Je les ai lus avec eux, censé leur apporter des « conseils ». Et j’ai été saisi. Voilà qu’au milieu des maladresses de syntaxe, des trébuchements orthographiques, toute une littérature de l’émotion, du ressenti et du vécu apparaissait. Une mise en mots de ressassements, d’inquiétudes. La mort d’une grand-mère, des histoires d’enfants abandonnés et puis la violence, la peur, les peurs, les séparations, les mariages forcés. Tout cela au plus près, sans décor inutile. Sans apprêt, sans la préoccupation de faire de belles phrases et pourtant, et du coup, s’en dégageait une force et une vérité rares. Ce ton juste qu’on ne trouve pas souvent. Je suis parti de là-bas le cœur étonnament serré. De la gare Saint-Lazare, j’ai rejoint Amélie à l’appartement. Nous avons chargé la voiture. La pluie est tombée tout au long de la route.