Dîner chez Emmanuelle et Dominique. Une heure de 4L jusqu'à Agon. 80 kilomètres à l'heure en vitesse de pointe. Dans la nuit, les phares n'éclairaient vraiment pas grand chose. Fabien était déjà arrivé depuis un moment. Champagne. Nous étions attendus, et pas un peu... Iris avait écrit le menu à la plume, préparé des intermèdes pour le repas. Petite fille de neuf ans qui fait ses pointes de danseuse en regardant son reflet dans la baie vitrée. Impatiente de nous jouer des airs sur son harmonica tout neuf. Elle a fini par s'endormir de trop devoir être patiente. Nous n'étions pas assez attentifs à elle. C'est vrai que nous étions tout à la soirée. Nous avons parlé voitures avec Fabien, vins avec Dominique. Mais surtout, Emmanuelle nous a raconté toutes les coïncidences qui émaillent ses recherches sur Jean Patou. Je ne me souviens plus bien comment elle s'est intéressée à la vie de ce couturier début de siècle. Elle en parle aujourd'hui avec une proximité qui donne la chair de poule. Le mort, ici, saisit le vif. Ou plutôt le passé mordille très étrangement le présent. Elle se retrouve finalement la seule, au bout des années, à connaître vraiment le personnage. A en être l'intime, au point de deviner avec justesse ce qui s'est passé dans les moments où, justement, on ne sait rien. Je connais bien aussi ces coïncidences. On les fabrique et puis pas. La Harpe, Hugo, Carroll... J'ai eu des moments d'intelligence parfaite. Comme des fenêtres ouvertes sur le temps. Cela arrive comme autant de signes confortants et dérangeants aussi. Je l'aurais écoutée jusqu'au bout de la nuit.