Le train a eu plus d'une heure de retard. Les roues patinaient sur les feuilles mortes tombées sur les rails, gluées en pâte à cause de la pluie. J'ai ouvert la valise. Redéballé tout mon travail, mes va-et-vient de livres et commencé à rédiger mon papier sur L'enfant du Carnaval de Stéphane Audeguy. Je crois que si je continue à traîner à l'écrire, c'est que je me sens infiniment proche de sa démarche. Ce texte sur Pigault-Lebrun qui fut, au XVIIIe et dans le tournant du XIXe, un auteur vraiment très connu et qui n'est plus aujourd'hui qu'un fantôme, pose clairement le problème de l'oubli en littérature. Que reste-t-il d'un écrivain ? Pas grand chose après le temps... Audeguy en appelle a la rêverie pour raconter à nouveau l'histoire. Mais pas seulement. J'ai compris qu'il ne reste qu'un livre pour en arracher d'autres à la disparition promise, à l'effacement. J'ai pensé sans cesse à La Harpe en avançant dans les pages. Présent, passé font une pâte molle. C'est juste le souvenir qui nous garde vivant. J'ai déjeuné au Perron avec Géraldine. Regardé le programme de janvier du Seuil. Il y a un nouveau livre d'Alon Hilu, La maison de Dajani, que j'ai hâte de lire. Après-midi de démarches. Je suis allé chez Buchet régler des histoires de frais de déplacement, j'ai appelé Le Monde, Radio France, Bayard-Presse pour récupérer des bulletins de paie afin de refaire mon contrat de vacataire à Censier. Le dossier a été égaré par le secrétariat de la fac. Je suis passé chercher Amélie. Nous avions rendez-vous pour dîner avec Nicolas à La robe et le palais. Sophie, sa nouvelle compagne, nous a rejoints dans la soirée. J'étais assez fatigué et je crois que nous l'étions tous un peu. Nous nous sommes offerts, quelques bouteilles de vin corse plus tard, un petit medley de discussions épineuses sur l'actualité. L'affaire Polanski, les contrôles d'alcoolémie au volant. De quoi frôler la sortie de table si, au fond, nous n'étions pas d'accord et si tout cela n'avait finalement... pas vraiment d'importance.