Nous nous sommes levés tôt ce samedi. Amélie avait rendez-vous chez le coiffeur, chez la manucure. Elle est revenue les ongles joliment laqués de rouge, les cheveux rassemblés en chignon rond sur sa nuque. François est passé apporter une impressionnante quantité d’hortensias roses en pots que nous avons disposés un peu partout dans le jardin. Les centres de table fleuris aussi que Véronique et Patricia avaient tressés tout l’après-midi d’hier. Le déjeuner a pris des allures de pique nique. Chacun est parti se préparer. Ne rien oublier. Coup de fer sur les habits. Coup de brosse aux chaussures. Amélie, robe courte en lin blanc, chapeau rouge, souliers rouge était merveilleusement belle. Les trois petites (en robe rouge) nous attendaient. Nous avons pris place dans la voiture de Virginie et Marcus pour les vingt qui nous séparaient d’Antibes et de la chapelle Saint-Jean. Je ne pourrai pas dire autre chose de la cérémonie sinon que j’y ai été saisi d’une émotion et d’une grâce qui ont dépassé de loin ce que je pouvais imaginer ou désirer. Un sentiment de l’accompli. Nous avons lu ensemble cette prière d’Augustin qu’il avait écrite dans l’élan de sa conversion à Dieu. Une prière charnelle et vibrante. Bien tard je t’ai aimée,/ ô beauté si ancienne et si nouvelle/ bien tard je t’ai aimée !/ Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors, / et c’est là que je te cherchais,/ et sur la grâce de ces choses que tu as faites,/ pauvre disgracié, je me ruais !/ Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ;/ elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,/ si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !/ Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;/ tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;/ tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ;/ j’ai goûté et j’ai faim et j’ai soif ;/ tu m’as goûté et je me suis enflammé/ pour ta paix./ Quand j’aurai adhéré à toi de tout moi-même,/ nulle part il n’y aura pour moi douleur et labeur,/ et vivante sera ma vie toute pleine de toi. André Dukiel nous a bénis. Et nous, et Claire et Emmanuel, et toute la petite foule réunie des oncles et des tantes d’Amélie, de ses cousins, de ses cousines et de nos amis. Mon frère Jean et son épouse Noëlle avaient fait le voyage du Gers. Mon demi-frère, en fait. J’ai aussi une demi-sœur, Monique, morte à bientôt deux ans en 1932. Un autre demi-frère Francis, décédé, très seul, paraît-il, à une soixantaine d’années en 1984 et enterré, selon son vœu, à Carolles où il avait passé son enfance et les premières années de son adolescence chez Marie. Sa grand mère qui est aussi la mienne… Je ne connais rien de plus de leur histoire. Je pressens juste qu’elle a été, différemment, tragique. Je ne sais rien non plus de celle de Jean. Depuis « le retour » de mon père dans les années soixante-dix après la mort de sa femme, nous nous sommes vus tout juste cinq ou six fois. Des moments gênés (pour moi, en tout cas), à ne pas se dire grand chose. A attendre. Quoi, je ne sais pas bien. Pascale et Christine, mes deux témoins m’avaient fait faux bond pour des raisons familiales. Mon parrain René était resté à Uzès à cause d’un achat d’appartement. J’étais content que Jean soit venu. A Magagnosc, le traiteur avait installé le buffet et les tables. La soirée s’est prolongée longtemps, doucement, tout doucement, du soleil couchant aux étoiles, en rires, en confidences, en bavardages, d’un groupe à l’autre. Et puis Marcus a réclamé le silence. Le moment était venu de la fameuse surprise. Accompagnée par son père et par Christophe, soutenue par ses deux sœurs, Camille, au micro, nous a chanté une chanson où il était question d’Amélie jolie et de Xavier chéri. Tessiture de petite fille, toujours au bord de la rupture. Les aigüs coupants comme du cristal brisé. Amélie pleurait, moi, je voyais tout trouble. Puis nous avons dansé, bu encore du champagne et puis encore parlé. Lorsque vers les trois heures et demi passées nous nous sommes retrouvés, les derniers, « en famille », Claire et Emmanuel, Virginie et Marcus, Camille luttant contre le sommeil, Jérôme nous a dit : J’attendais que nous soyons seuls pour vous dire la nouvelle… Marion et moi, l’an prochain, nous allons nous marier.