J'ai terminé mon papier. Parlé avec Isabelle des projets de rentrée pour Le Pèlerin. Un portrait d'André Bucher qui publie La Fontaine aux miroirs chez Denoël. Un autre d'Armel Job pour Tu ne jugeras point chez Robert Laffont. Je vais les appeler la semaine prochaine. Je les connais tous les deux. Je suis leur travail depuis un moment. Elle m'a confié également trois ou quatre petites recensions. Eu Florence aussi au téléphone pour les sorties en littérature étrangère au Monde. Je lui rends déjà deux articles pour le prochain numéro : Le violon d'Auschwitz et 2500 signes sur la nouvelle traduction d’Alice au Livre de poche. J’ai trouvé cela un peu court pour l’événement, mais je n’ai pas beaucoup protesté, tant je suis content de pouvoir en parler. Depuis que Laurent m’avait annoncé qu’il s’était mis à ce travail, j’attendais avec impatience… Il a remarquablement réussi. C’est, avec celle de Jacques Papy, une des traductions les plus fidèles au texte original et à l’esprit de l’auteur. Dernière en date, elle tire leçon et profit des autres. Elle se sort des chausse-trappes (phrases à double sens, calembours, quiproquos, fautes volontaires, mots-valises) partout placées dans le texte. Et surtout (rien qu’un exemple : choisir La traversée du miroir plutôt que De l’autre côté... pour Through the Looking-Glass…), elle est infiniment proche du sens. J’ai envié Laurent d’avoir pu se lancer dans cette tâche à laquelle j’aurais tant aimé, moi aussi, me risquer. J’ai découvert Alice seulement à la fin de l’adolescence et je me souviens de cette lecture comme d’une invraisemblable émotion. J’avais tout dévoré à la suite. Depuis, Lewis Carroll ne m’a plus quitté. En 1998, j’étais parti en reportage en Angleterre pour le centenaire de sa mort. A Guildford, j’avais assisté à un office à l’église où il prêchait le dimanche. Fait le tour de sa maison des « Chesnuts ». Sur sa tombe, j’avais ramassé une poignée de terre. Toujours pieusement conservée. Je voudrais retourner là-bas. Encore une fois. En début de soirée, Amélie m’a accompagné, rue du Cherche-Midi, chez le médecin spécialiste. Une dame charmante qui a déployé des trésors de gentillesse pédagogique et rassurante. N’empêche, j’ai bien entendu : je suis malade et je ne guérirai pas. Il va juste falloir vivre avec. Sorti de là avec une ordonnance pour des examens, un traitement. J’étais tendu comme une chanterelle. Allons dîner. Il était tard. Chez Christelle, à Midi vins, un peu plus bas dans la rue, j’ai commandé du chinon blanc.