Amélie est restée au lit une bonne partie de la journée. Tisane de thym. Aspirine. Son coup de froid a cédé avec le repos. Au soir, elle était nettement plus vaillante. Moi, j’ai tronçonné du bois sans arrêt. Du « bois à clous » que nous gardions sous l’auvent depuis des mois : palettes de récupération, planches de chantier… J’ai fini par en amonceler un assez beau tas. Il ne fera pas long feu. Tout cela va brûler comme des allumettes. Je suis passé chercher Georgette. Je l’ai trouvée soucieuse. Henri, son frère a dû être hospitalisé. Il était tombé chez lui et ne parvenait plus à se relever. Aux urgences, ils ont diagnostiqué une bronchite grave. C’aurait pu être fatal. Mais comprends bien, il n’est pas raisonnable. Il ne voulait pas appeler le médecin. Elle a fini par accepter de venir quand même boire un peu de champagne, d’avaler quelques canapés. Oh, je ne reste pas longtemps. Elle est finalement partie bien plus tard que prévu. Nous avons regardé d’anciennes photos de famille. Décidemment, de Grasse à ici, la fin d’année est placée sous ce signe. Je notais au dos les noms, les indications qu’elle me donnait. Tout à coup, elle est tombée en arrêt devant un minuscule cliché. C’est la rue Pujet ! Jusqu’en 1935, mes grands parents avaient habité cette maison. Georgette était bouleversée. Vous savez, c’est là que j’ai grandi. - Tu pourrais la refaire ? Je l’accrocherais près de mon lit. En nous quittant, elle a offert à Amélie, une petite huile sur bois fin XIXe représentant un bouquet de giroflées dans un vase de cuivre. J’ai acheté ce tableau au marché aux puces de Roubaix juste après guerre, lui a-t-elle raconté. Depuis, il a toujours été chez moi. Je pense aujourd’hui qu’il est mieux ici. Je l’ai raccompagnée sans mot dire. Juste : A demain, bonne nuit. Nous nous sommes couchés juste avant le passage de l’année.