J’ai lu, une fois encore, La domination d’Anna de Noailles. Je pense qu’il va être difficile de republier ce texte. Le titre sonnait trop prometteur. Nous sommes ici dans la curiosité littéraire, bien plus que dans la littérature. Il me reste pour la collection, un recueil de nouvelles, pour le coup toujours accessibles. Et encore pleines de surprises, de nouveauté. Je vais regarder également La nouvelle espérance. Si je me fiais au titre là aussi… J’ai déjeuné avec Paul. Nous avons regardé ensemble les premières listes d'envoi aux libraires pour La mort de ma mère. J’ai téléphoné l’après-midi à Senlis à la librairie Henri IV, celle que tenait Madame Fiévet quand j’étais petit. J’ai parlé d’elle avec la nouvelle propriétaire. Je la revois, tirée à quatre épingles, avec ses cols claudine, son rang de perles au cou. Dans sa boutique, il flottait une odeur de papier, de bois ciré, de colle. D’encre neuve. De plastique d’intercalaires et de protège-cahiers. Quelque chose de fade, relevé, en recoins, de vagues d’âcre et d’acide. Je m’y sentais chez moi, un peu. Vraiment. Madame Fiévet doit être âgée maintenant. Irais-je à Senlis au moment de la sortie du livre ? J’ai peur de m’y engloutir dans les souvenirs insidieux et la nostalgie. On verra. Marie est venue dîner à la maison au soir. Elle avait laissé Beuys chez elle. Beuys, c’est son chat. Un tout jeune matou au pelage blanc et roux qu’un ami lui a apporté la semaine dernière. Elle est ravie. Souvenir de ses années aux Beaux-Arts, elle lui a donné le nom de ce plasticien allemand dont une part de l’œuvre a consisté dans des enveloppements de feutre. Aviateur abattu pendant la seconde guerre mondiale, gravement brûlé, il avait été, nous a-t-elle raconté (je n’en savais rien), sauvé par des nomades qui l’avaient enduit de graisse avant de le rouler dans des couvertures… de feutre.