Georgette a téléphoné vers les 9 heures. Venez, s'il vous plaît. Elle nous a demandé de l’aider à préparer son café. J’ai passé une bonne nuit, mais là, maintenant, je suis épuisée. Nous sommes restés avec elle le temps de son petit déjeuner. En fait de café, c'est du Ricorée. Elle a grignoté un morceau de pain mou. Nous avons rassemblé son linge sale. Mis une machine à tourner. Au soir, elle semblait plus reposée. Moins anxieuse. Elle avait eu de la visite. Sa voisine du dessus qui s’inquiétait de ne plus la voir sortir. Mademoiselle Verdé aussi. Ca fait du bien de se sentir entourée… Les mêmes mots que ma mère avait dit si faiblement. J’ai vite chassé l’idée. J’ai passé la soirée à rédiger mon papier sur Le Couteau de Jenůfa de Xavier Hanotte pour Le Monde. 4500 signes pour raconter aussi les méandres d’une œuvre touffue, envahissante. Je me retrouve en connivence mélancolique avec Hanotte, dans cette obsession de la perte, de la disparition. Avec cette quête permanente d’identité qu’il incarne, lui, pour l’essentiel, dans le souvenir perpétué et permanent de Wifred Owen, jeune poète britannique tué à vingt-cinq ans, à Ors, dans le Nord, quelques jours seulement avant l’Armistice de 1918. Je ne souviens que de bribes. Il me manque quelques vers. Quels cierges portera-t-on pour leur dernier voyage ? (…)/ Le front pâle des filles sera leur linceul/ Les fleurs, la tendresse d’âmes patientes/ Et chaque lent crépuscule, un volet qui se ferme. Mon Dieu, comme toutes les histoires se rejoignent.