Pierre Péan, de Bombay, a adressé ce matin un « numéro spécial » d'Info Écoles, la feuille informatique qu'il envoie assez régulièrement aux membres de son association. Cette fois-ci, pas de compte-rendus de sorties des enfants, rien sur de nouveaux matériels pour les centres d'apprentissage, pas de nouvelles du dispensaire, ni de chronique du bidonville de Malad. Il s'agissait là d'un drôle d'appel au secours. Sur un ton un peu caustique, faussement détaché, il explique que depuis quinze ans qu'il est en Inde, ses revenus (la retraite qu'il touche de France, en fait) sont devenus bien maigres pour payer un loyer. Mégapole de pays émergeant oblige, l'immobilier a flambé. Et pour continuer sereinement à assurer son travail de bénévole qui ne compte ni ses heures ni son énergie, il ressent le besoin d'un petit coup de pouce. Quand je l'ai rencontré en 2002 pour mon reportage, il avait déjà, je crois, plus de soixante-dix ans... Il demande à ce que l'on réfléchisse à une petite indemnité de logement. 5 à 10 euros par an et par adhérent. Si c'est possible... J'ai reçu en copie deux réponses indignées. Deux dames, dont on pressent qu'elles sont sûrement très bien, vitupèrent par mail. Désolée, écrit la première, mais le pouvoir d'achat des Français diminue aussi. Je ne suis pas marraine d'un enfant de Bombaye (sic) pour vous permettre de payer votre loyer. Et l'autre d'enchaîner : Cette démarche est totalement déplacée et inacceptable de la part d'un responsable d'une association. Je suis en rage depuis tout à l'heure. J'ai vu son appartement là-bas, il y a six ans. Tout petit, pièces nues. A une heure du centre. il n'y a pas un autre européen dans ce bloc de béton. Il a adopté deux filles et se dévoue aux autres. Education. Soins médicaux. Toujours à la recherche de quatre-vingt-dix-neuf roupies pour en faire cent. Il compte chaque sou et pour ce qui est des siens, ses poches sont percées quand il s'agit d'aider ceux avec qui il a fait le choix de vivre. Je lui ai écrit un long mail avec copie à tous. J'espère convaincre les autres qu'il faut l'aider un peu. Je pense à cet Évangile des Béatitudes que Marie a lu à la messe d'enterrement de ma mère. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Il me reste dix pages pour finir mon livre.